Émilie de Vialar est née en 1797 dans une famille distinguée d’une ancienne ville du sud de la France appelée Gaillac, non loin de Toulouse. Son grand-père paternel était magistrat et son propre père, un homme instruit, occupait des postes administratifs à Gaillac. Son grand-père maternel, le baron de Portal, appartenait à une famille de pharmaciens et devint médecin des rois Louis-Philippe et Charles X. Sa mère, une femme pieuse, éduqua Émilie dans la foi. Au moment où Émilie devait partir en pension à Paris, sa mère mourut. Après deux ans à Paris, durant lesquels elle fit sa première communion, son père la rappela chez elle pour s’occuper de la maison et être sa compagne lors des événements sociaux.
La présence d’Émilie à la maison était grandement ressentie par une gouvernante jalouse et intrusive, qui rendait sa vie presque insupportable en la dénigrant auprès de son père de différentes manières. Émilie supportait cette constante adversité avec patience et résignation.
Dès son plus jeune âge, Émilie fut inspirée d’un amour ardent pour Dieu et attirée par le désir d’aider les pauvres et les souffrants de Gaillac. Elle était attirée par la prière et, à divers moments de sa vie, elle fut bénie par des expériences spirituelles particulières. Après l’une de ces expériences, à l’âge de 19 ans, elle s’engagea dans des œuvres de charité de manière très organisée. Elle visait à aider les gens de toutes les manières possibles, apportant de la nourriture et des remèdes aux pauvres, et les faisant venir chez elle pour recevoir de l’aide. Son père n’approuvait pas ces œuvres de charité, et elle écrivit plus tard,
« Je continuais à accomplir des œuvres de charité envers les pauvres, et cela fut l’occasion de nombreux troubles domestiques. » (Sainte Émilie de Vialar, Relations des Grâces)
Une autre grâce accordée à Émilie la conduisit à prendre la décision de consacrer entièrement sa vie à Dieu. Elle passait beaucoup de temps en prière dans l’intimité de sa chambre et faisait de nombreuses visites à l’église, ce qui fut une autre cause de dissension entre elle et son père. Il y eut également de nombreuses disputes lorsqu’elle refusa plusieurs jeunes hommes qui cherchaient à obtenir sa main en mariage.
Déterminée à accomplir la volonté de Dieu, Émilie confia ses idées au nouveau curé, l’abbé Mercier, qui l’encouragea et la guida. À mesure qu’elle mûrissait, elle forma progressivement l’idée de fonder une Congrégation afin que les malades et les pauvres puissent recevoir des soins et de l’attention constants. En 1832, à la mort de son grand-père maternel, elle reçut un important héritage. Avec cette indépendance, elle put commencer à concrétiser ses projets. A la veille de Noël 1832, après avoir laissé une lettre affectueuse pour son père et organisé les soins nécessaires pour que la femme de son jeune frère soit attentive à ses besoins, elle quitta la maison de son père. Avec trois compagnes, elle fonda une communauté naissante qui, durant sa vie, allait se répandre de manière considérable.
En six mois, le petit groupe avait augmenté à vingt-six membres. En plus de fournir du secours aux classes les plus pauvres et de s’occuper des malades et des personnes âgées chez elles, les Sœurs veillaient également à l’éducation gratuite des enfants. Il y avait beaucoup de critiques et de commérages malveillants dans la petite ville, mais les Sœurs poursuivaient leur mission sans se laisser décourager. C’est à ce moment qu’Émilie rechercha et obtint l’approbation de son nouvel Institut auprès de l’archevêque Mgr. de Gauly d’Albi.
En 1833, le frère d’Émilie, Augustin, qui avait été parmi les premiers colons français à coloniser l’Algérie, lui demanda d’envoyer certaines de ses Sœurs pour travailler à l’hôpital en construction. C’était l’occasion pour Émilie de réaliser un rêve qu’elle chérissait depuis longtemps : travailler dans des pays de mission. En août 1835, Émilie accompagna les trois Sœurs choisies pour commencer leur travail missionnaire. À la fin de 1836, il y avait vingt Sœurs et Émilie avait acheté des bâtiments en prévision des besoins futurs.
La Congrégation des Sœurs de Saint Joseph de l’Apparition, comme Émilie souhaitait qu’on l’appelle, a vu son nombre de membres augmenter régulièrement. À ce stade, Mgr de Gauly conseilla à Émilie de se rendre à Rome pour demander l’approbation officielle de l’Institut. Cependant, à cette époque, une situation intenable se déroulait à Alger. Le nouvel évêque Dupuch, qui avait d’abord été très accueillant envers les Sœurs, adopta rapidement une attitude dominatrice et possessive, essayant d’imposer des changements à la Règle et à la Constitution qui limiteraient la Congrégation à des services dans son diocèse. Il alla même jusqu’à excommunier les Sœurs, les privant des Sacrements. La vision d’Émilie était beaucoup plus large que cela, et avant de partir pour Rome, elle avait établi cinq Sœurs dans une nouvelle fondation à Tunis.
Elle fut reçue par le pape Grégoire XVI en décembre 1840 et passa ensuite dix-huit mois à Rome, attendant que les cardinaux examinent son dossier, qui comprenait des rapports diffamatoires de l’évêque Dupuch. Pendant son séjour à Rome, elle profita de l’occasion pour établir une maison en amenant trois Sœurs de Gaillac pour s’occuper des malades et éduquer les enfants. Ayant enfin reçu le décret laudatif d’approbation en mai 1842, Émilie se dépêcha d’être auprès de ses Sœurs à Alger, où la situation s’était considérablement détériorée. Sous la pression de l’évêque, le gouvernement français avait décrété que les Sœurs devaient quitter l’Algérie après huit ans de service à la colonie. Le départ devait avoir lieu immédiatement, accompagné d’une grande bataille juridique concernant la propriété de ses biens, au point qu’en fin de compte, elle ne reçut aucune indemnité pour les grandes sommes d’argent qu’elle avait dépensées dans la colonie.
Alors qu’elle s’occupait des problèmes en Algérie, voyageait vers de nouveaux endroits et attendait son heure à Rome, elle avait confié ses affaires financières à une Sœur en qui elle croyait pouvoir avoir confiance, ainsi qu’à un homme d’affaires recommandé par le prêtre de la paroisse. Cette confiance s’est révélée mal placée : des dossiers ont été falsifiés, et des documents et des pages manquaient dans les livres de comptes qu’Émilie avait elle-même tenus avec tant de diligence. En conséquence, Émilie s’est retrouvée mêlée à une série de procès désagréables. Le verdict final a été rendu contre Émilie, qui a été laissée sans le sou et endettée.
Avec une animosité croissante à Gaillac envers elle et la Congrégation, Émilie a constaté qu’elle ne pouvait plus continuer son travail dans cette ville. En 1847, les Sœurs quittèrent Gaillac sous le couvert de l’obscurité, voyageant toute la nuit et arrivant à Toulouse à l’aube, où elles cherchèrent refuge. Cependant, des commérages malveillants les avaient précédées et leur présence n’était que tolérée par les habitants. Elles se retrouvèrent sans moyens de soutien et vécurent dans une pauvreté extrême, devant même faire la queue à la soupe populaire.
Une fois de plus, des difficultés avec la hiérarchie apparurent, car l’évêque de Toulouse voulait se faire le Supérieur Général de la Congrégation. Le prêtre nommé souhaitait administrer les finances de l’Institut à sa manière. En 1852, Émilie avait décidé que vivre à Toulouse n’était plus une option, alors elle commença à chercher ailleurs et finit par se décider pour Marseille.
Après cinq ans de privations, d’humiliations, de déceptions et de souffrances physiques et morales, Émilie rencontra un avocat compréhensif et amical en la personne de Mgr de Mazenod, évêque de Marseille et fondateur d’une œuvre missionnaire d’hommes, les Oblats de Marie Immaculée. Les finances restaient un problème pour elle et il fallut un certain temps avant que les Sœurs ne puissent compter sur un revenu régulier provenant de leur travail. En 1855, elle écrivit à Sr Eugénie Laurez :
« Si je n’étais pas devenue pauvre, je n’aurais pas pu établir la Congrégation. »
Émilie avait cinquante-cinq ans et, enfin, elle pouvait connaître un certain paix et stabilité dans sa vie. Grâce à sa prière et sa vie spirituelle, elle avait développé une relation avec Dieu qui l’avait favorisée avec des grâces intimes et du soutien. Elle avait appris à dépendre totalement de la providence de Dieu et, telle était sa foi et sa confiance qu’elle pouvait agir, rassurée par la certitude qu’elle suivait la volonté de Dieu. Elle poursuivait sa tâche avec un zèle, un courage et une persévérance inlassables.
Depuis le moment de l’Inception de la Congrégation jusqu’en 1844, Émilie avait réalisé quatorze fondations. Ces fondations prospéraient et les demandes de sœurs pour aller dans de nouvelles situations missionnaires étaient nombreuses.
Son existence relativement paisible à Marseille ne devait pas durer longtemps. À la mi-août 1856, Émilie tomba malade. Au début, ses maladies étaient considérées comme du choléra, mais après sa mort, on découvrit qu’elle avait une hernie strangulée qu’elle avait subie de nombreuses années auparavant. Son état s’est progressivement détérioré et, en cinq jours, le 24 août, elle est décédée paisiblement, entourée de ses Sœurs et de ses nièces. Le service funèbre fut célébré avec la plus grande simplicité, et la tristesse était teintée de joie, car la vie de cette femme vaillante avait été un don de Dieu pour les Sœurs et pour l’Église.
À sa mort, elle avait presque cinquante-neuf ans, et durant la brève période de vingt-quatre ans d’existence de sa Congrégation, elle avait envoyé des missionnaires dans des pays aussi variés que l’Algérie, la Tunisie, la France, l’Italie, Chypre, Malte, la Syrie, la Grèce, la Birmanie, la Palestine, la Turquie, la Crète et l’Australie, ayant réalisé au total quarante-deux fondations.
Émilie de Vialar a été canonisée le 24 juin 1951 par le Pape Pie XII. Sa fête est célébrée le 17 juin.